Algerie : Question des disparitions forces


Le gouvernement algérien refuse d’autoriser les rapporteurs du comité onusien des droits de l’homme à venir en Algérie. L’information a été confirmée par la responsable de l’association SOS Disparus, Nacera Dutour. « Après plus de trois ans de négociations, l’Algérie a finalement refusé la venue du rapporteur spécial de l’ONU pour les droits de l’homme. J’étais la semaine dernière à Genève, les responsables du comité des droits de l’homme de l’ONU m’ont informée de la décision du gouvernement. Une délégation officielle les a informés que la visite en Algérie du rapporteur onusien n’est pas possible », explique-t-elle. Cette décision intervient, ajoute-t-elle, « après plusieurs années de tergiversations de la part des autorités ».

« Les responsables onusiens voulaient agir en tout liberté. Les autorités algériennes, elles, ont voulu leur poser des conditions », explique-t-elle. La venue du rapporteur spécial du comité onusien des droits de l’homme est attendue avec impatience par les familles des victimes des disparitions forcées. « Mais nous craignons que les autorités empêchent les responsables de l’ONU de rencontrer les familles des victimes des disparitions forcées, surtout celles qui refusent les indemnisations », souligne Wassila Belatreche, représentante des victimes des disparitions forcées de la wilaya de Constantine, lors d’une conférence de presse animée, hier, au siège de la LADDH à Alger.

« Notre crainte est justifiée par le fait que les autorités refusent toujours de faire la lumière sur la question des disparus. La charte pour la paix votée le 29 septembre 2005 a faussé le traitement de cette question », estime-t-elle, en citant toutes les affaires portées devant les organismes internationaux qui ont débouché sur la condamnation de l’Algérie.

« LA RÉCONCILIATION NE SE FERA PAS AVEC CE RÉGIME » Intervenant par la même occasion, le président de la LADDH, Noureddine Benissad, revient sur les différents abus relevés dans ce texte. « Le droit à la vérité et à la justice a été oublié de la charte pour la paix et la réconciliation nationale », explique-t-il. Selon lui, la réconciliation ne se fait pas avec les régimes dictatoriaux qui sont souvent responsables des crises. « Toutes les expériences à travers le monde l’ont prouvé. Que ce soit en Amérique latine ou en Afrique du Sud, la réconciliation s’est faite après la chute des régimes despotiques », lance-t-il.

Le premier responsable de la LADDH affirme, dans ce sens, que le référendum sur la charte pour la paix en Algérie était « un plébiscite et non pas une élection ». « On connaît le mode d’organisation des élections en Algérie. La fraude a toujours été au centre de l’opération électorale », indique-t-il, soulignant que l’interdiction d’évoquer la tragédie nationale introduite dans ce texte est en contradiction avec l’objectif de la réconciliation. « Le droit à la vérité et à la justice n’est pas une revanche. C’est un mécanisme permettant de savoir ce qui s’est passé à la fois pour les familles des victimes et pour tous les Algériens. C’est ainsi que les générations futures éviteront de refaire dans les mêmes erreurs », dit-il. L’autre aberration de ce texte, enchaîne-t-il, réside dans la question de la réparation.

Celle-ci, insiste-t-il, s’est faite également avec des abus. « Il fallait reconnaître au moins les associations de victimes des disparitions forcées. Mais la vérité finira par éclater un jour », souligne-t-il.

Madjid Makedhi
El Watan - Mercredi 1er octobre 2014