Il y a dix, le massacre de Guemar


Le 29 novembre 1991, un peu avant 2 h du matin, le poste-frontière de Guemar est pris sous un déluge de feu. Les assaillants, plusieurs dizaines, s'étaient constitués en trois groupes qui se sont acharnés sur les sentinelles pendant qu'un qu'un quatrieme groupe concentraient ses efforts sur les magasins d'armes et de munitions pour les dévaliser. L'effet de surprise passé, la riposte des militaires a contraint les assaillants à se replier.

L'enquête judiciaire, les recherches entamées contre les auteurs et plus lard leur procès révéleront que les groupes armés étaient formés des militants et responsables locaux du FIS et de son Syndicat islamique du travail (SIT) auxquels se sont joints des « Afghans ».

Cette nuit du 29 novembre, l'organisation terroriste, qui prendra plus tard le nom de l'AIS, venait de déclencher son « djihad » sous le nom de Mouvement islamique armé. Ce sera la nuit à partir de laquelle le FIS n'aura plus d'arguments pour se disculper d'être une organisation terroriste qui se cachait derrière la vitrine légaliste et électoraliste. Et même quand les auteurs de l'attaque du poste-frontière furent identifiés comme appartenant à ses rangs, il n'essaya même pas, en tant que parti, de se démarquer d'eux et encore moins de condamner leur action sanguinaire. Bien au contraire, il s'évertua à multiplier des déclarations où il accusait l'armée d'être auteur du massacre. Le fameux « Qui tue qui ? » est né cette nuit-là, mis en avant par le FIS lui-même, notamment les déclarations de son premier responsable de l'époque (Hachani) et par la propagande islamiste dominée par son organe central, El Mounqidh.

L'attaque du poste-frontière de Guemar à été minutieusement préparée. Elle a été conçue de telle manière qu'elle devait être non seulement une réussite totale, mais également pour sceller par le sang la jonction qui venait de se nouer lors de la grève insurrectionnelle (six mois auparavant) entre le FIS et les « Afghans ». La date du 29 novembre est restée pour ces derniers une date symbole qui commémore pour eux l'assassinat à Peshawar (Pakistan) en 1989 du leader de tous les « Aghans » arabes, Abdellah Azzam, dont Abdellah Anas — l'une des figures marquantes du FIS à l'étranger — a été le successeur après avoir été son bras droit, tout en étant son gendre.

Si la petite et paisible commune de Guemar a été le théâtre du massacre du poste-frontière, il reste à déterminer jusqu'à quel point les autres structures du FIS dans la wilaya d'El Oued y étaient impliquées. Car il se révélera a travers les opérations de recherches menées par les forces armées et la gendarmerie qu'une partie des terroristes s'était repliée dans la commune de Mograne dont la municipalité était contrôlée par le FIS. Il y fut découvert deux véhiculés appartenant à cette même commune chargés d'armes et de munitions volées au poste de Guemar.

La plupart des terroristes qui ont participé à l'attaque du poste-frontière furent arrêtés ou abattus lors de différents accrochages. Notamment à Mograne dans la nuit du 1er décembre et dans la commune de Stile, à l'extrême nord de la wilaya d'El Oued, à la limite avec la wilaya de Biskra, le 9 décembre.

Ce mariage entre le FIS terroriste et les « Afghans » laissera, selon le bilan officiel, 8 jeunes soldats du contingent pour la plupart, sinon tous, sur le champ de bataille. 3 d'entre eux qui étaient les sentinelles du poste-frontière de Guemar furent atrocement mutilés. Les autres sont tombés dans les différents accrochages et opérations de recherches.

Le général major en retraite et qui, à l'époque, dirigeait la 5e Région militaire dont dépend le poste-frontière attaqué, Abdelhamid Djouadi, avec qui nous avons évoqué ce dixième anniversaire, la gorge nouée d'émotion, se souvient de « ces braves » dont le sacrifice a été à la pointe de la résistance qui allait suivre pour la sauvegarde de l'Etat républicain et la protection de la démocratie. Ils resteront à jamais dans la mémoire de leurs compagnons d'armes, assure-t-il. Et tout autant, il rend hommage aux citoyens qui ont défié la terreur et qui n'ont pas hésité à se mettre du côté de l'ANP pour l'aider dans ses opérations de recherches. Une véritable « osmose » entre le peuple et son armée dans la lutte contre le terrorisme islamiste. Elle n'a jamais failli malgré l'intox, la propagande et l'attitude de « certains cercles ».

Mohamed Issami
Le Matin N2972 jeudi 29 novembre 2001